De la diaspora à
l’establishment Bordelais
alors
quid des SARAVIA , puisque tel était leur nom lors de leur
arrivée en France ?
Vous
savez le sort que l’Inquisition réservait aux juifs en Espagne et
au Portugal ! De ceux qui avaient pu fuir, beaucoup vinrent en
France et se fixèrent à proximité des frontières espagnoles, à
Dax, Peyrehorade, La Bastide-Clairence, Bidache ou Bayonne. Ces
familles s’adonnaient, essentiellement, à la distribution de
produits extra-régionaux ou à la collecte et au commerce des laines
espagnoles.
Par
lettres Patentes, rendues en 1550, Henri II donna aux Juifs les mêmes
droits que ceux des sujets français. La « Nation portugaise »
de Bayonne, compta rapidement près de 700 familles et fut
déménagée de force par les habitants au Faubourg Saint Esprit qui,
bien que relié à la ville par un grand pont de bois jeté sur
l'Adour, relevait de la sénéchaussée de Dax puisque situé sur la
rive droite du fleuve. Les Portugais ne pouvaient avoir "aucune
habitation ni boutique à Bayonne" et
devaient quitter chaque jour la cité avant le coucher du soleil,
quitte à y revenir tous les matins.
Méfiants,
les "Portugais" de Saint-Esprit, se mirent à observer les
pratiques extérieures du culte catholique. Ils assistaient aux
offices, versaient aux œuvres et achetaient ornements et vêtements
religieux aux desservants de «leur» paroisse de saint Etienne
d’Arribe Labourd. Ils y faisaient baptiser les nouveaux
nés,
enterrant toutefois leurs morts, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, au
campo San Simon, selon les rites juifs et avec l'accord du curé.
Ils y gagnèrent le surnom de « convertis », mais
restaient des « Marranes », ce qui veut dire cochons en
espagnol – parce que précisément cet animal leur faisait horreur.
Ils
développèrent rapidement des activités commerciales et bancaires
avec les communautés portugaises de Bordeaux, Rouen, Anvers,
Amsterdam, Londres et des villes hanséatiques… Ils voyageaient
beaucoup et certains, officiellement catholiques, n’hésitaient pas
à se rendre sous couvert de voyages d’affaires, en péninsule
ibérique.
Une
partie des bénéfices engrangés par leur commerce était utilisée
à favoriser l’exode, vers ou via la France, de parents ou d’amis
restés au Pays et il fallait parfois aller sur place pour organiser
les choses.
Ce
réseau riche, efficace et habitué à mener toutes sortes
d’activités dans la clandestinité, faisait des « portugais »
des intermédiaires de premier plan, surtout quand on attisait leur
haine de l’Espagnol.
En
1580, l’Espagne annexe le Portugal et y introduit l’Inquisition
et son cortège d’autos da Fe, de tortures, d’arrestations
arbitraires ou de « réconciliations » assorties de la
confiscation des biens du repenti. Autant certains juifs espagnols
convertis avaient-ils pu intégrer la société civile et jouir des
droits et privilèges des nationaux, autant ceux du Portugal
faisaient l’objet de toutes les persécutions et exclusions.
Pourquoi
ce long préambule ? Voici deux textes relatant les heurs et
malheurs de deux drôles de frères SARAVIA qui ayant eu maille à
partir avec l’Inquisition, se fixèrent en France. Etonnant, non ?
Le
premier article : « el
processo inquisatorial de Juan Nunez de Saravia, banquero de Felipe
V », rédigé
par Antonio DOMINGUEZ-ORTIZ dans la revue Hispania Revista Espanola
de Historia de 1955, nous apprend que :
Juan Nunez Saravia, descendant de nouveaux chrétiens du Portugal, est arrivé à Madrid vers 1606. En 1612, il est dénoncé, une première fois pour judaïsme, est entendu par Fernando Rodriguez Farinas, maire de la ville, qui le fit jeter en prison. Personne n’explique, ni pourquoi, ni comment, il fut libéré deux ans plus tard, ni comment il amassa la fortune qui, plus tard, lui permit d’intervenir dans les affaires, comme on en trouve trace dans les archives du « consejo de hacienda » (ministère des finances).
Mentionné
une première fois pour un prêt qu’il accorda à la couronne
Espagnole, in solidum avec neuf autres portugais, de 1.852.000 ducats
et escudo, il est à nouveau cité, en 1629 lorsqu’il engage, seul,
240.000 ducats et escudos.
Aimablement
sollicité, l’année suivante, pour placer en Flandres 370.500
escudos, il se fit tellement tirer l’oreille que le consejo fit
remarquer au roi que si Saravia ne pouvait remplir ses obligations,
il fallait, pour le moins, le retirer des affaires, voire lui
infliger un châtiment exemplaire.
Comme
le hasard fait bien les choses, cette même année 1630, une certaine
Juana de Silva le dénonça comme pratiquant le judaïsme en secret
et protégeant les judaïsants.
Juan
Nunez et son frère Enrique vivant habituellement à Bayonne, mais
qui fréquemment venaient en Espagne, organisèrent l’assassinat
de la délatrice, s’imaginant que l’histoire en resterait là
Un
étudiant les mit en relation avec un portugais qui exécuta le
crime. Saravia ne voulant rien donner, ni au tueur, ni à l’étudiant,
le premier déguerpit du pays et le second courut tout avouer tout au
Saint office qui s’intéressa de fort près aux deux frères,
rassembla plus de vingt témoignages et procéda à leur arrestation
au printemps 1632.
A
l’accusation de judaïsme vinrent s’en greffer d’autres comme
celles de s’adonner à la contrebande de marchandises et de
monnaie, d’aider des juifs portugais en fuite à passer en France
et d’entretenir des relations douteuses avec l’étranger.
Un
témoin déclara avoir entendu dire, à Bordeaux, par certaines
personnes très proches de Sariava, que celui-ci et ses amis avaient
envoyé en Italie plus de 150.000 ducats avec l’intention d’aller
vivre là-bas.
Naturellement
Nunez nia tout en bloc. L’Inquisition dépêcha, en France, Juan
Batista de Villadiego, secrétaire de l’Inquisition de Llerena pour
enquêter dans les villes où vivaient de nombreux juifs et convertis
hispano-portugais, afin de découvrir la nature de leurs relations
avec les frères Saravia.
Villadiego
acquit, rapidement, la conviction que Juan Nunez Saravia était juif,
mais ne put rassembler de preuves…
le
procès suivait lentement son cours ; les comptes de l’inculpé,
examinés en 1635, firent apparaître un déficit comptable de
17.900.578 maravédis, mais pas la moindre affaire douteuse ni le
moindre élément de preuve dans la participation de Juan au meurtre
de Juana da Silva.
Les
seules charges restantes étaient les indices de judaïsme, le fait
de favoriser ceux de sa race, d’avoir célébré en certaine
occasion le Grand Jour des juifs et de se livrer illégalement au
trafic de
monnaie.
Les
témoins à décharge affirmèrent que Juan était bon chrétien,
qu’il détenait une concession à perpétuité et des images
saintes chez lui, qu’il s’acquittait envers l’Eglise et qu’il
avait doté une religieuse.
Ces
allégations ne donnèrent pas satisfaction aux inquisiteurs qui, en
décembre 1636, votèrent la Question. On sollicita l’avis de deux
médecins : l’un le déclara capable de la subir, alors que
l’autre donna un avis contraire, car Saravia souffrait de goutte et
d’une hernie.
Il
semble que la Question lui fut donnée avec modération et ne dura
qu’une heure et demie, on lui donna « quelques tours de
cordes », mais sans employer la « toque. » Ceci
confirme que des indications venues « d’en haut »
firent qu’il fut traité avec une certaine bénignité.
Saravia
nia et eut la vie sauve ; les inquisiteurs demandèrent six ans
d’exil de la Cour du roi et des vingt lieues alentours, ainsi
qu’une amende de 20.000 ducats à verser au fisc royal, cent coups
de fouet et quatre ans de galères ; mais la sentence de la
« Suprême » fut plus clémente.
« Qu’il
sorte de l’église du Senor San Pedro Martir de cette ville en
pénitent, sans manteau, sans ceinture ni bonnet et un habit de
pénitent en toile jaune sur ses vêtements, et un cierge de cire
entre les mains où sera inscrite la sentence, et qu’il abjure
publiquement de façon véhémente les hérésies dont il est accusé
et qui ont été certifiées par le procès. Il est également
condamné à 20.000 ducats pour les frais du Saint-Office. »
Le
13/1/1638 la sentence fut célébrée à Tolède.
Le
nom de Saravia ne parut plus dans les affaires et nous n’avons plus
aucune nouvelle ensuite.
2)
Le second texte est tiré du tome II du livre de Julio CARO BAROJA :
Los judios en la Espana
moderna y contemporania, Tomo II
et raconte la même histoire en apportant quelques éléments
complémentaires.
Juan
Nunez Saravia, vers 1630, était un homme de 50 ans, de stature
moyenne, blond ou roux de chevelure et de barbe, marié depuis
relativement peu de temps.
Il
passait beaucoup de temps à la Cour depuis le début du siècle, où
il avait été introduit par l’un de ses oncles, Juan Nunez Correa.
Sa
famille, constituée de nouveaux chrétiens et son père, Juan Nunez
Antonio Ferreirin avaient quitté la péninsule vers 1607/1608 pour
rejoindre Bordeaux où
il mourut en 1631. Enrique, frère de Juan, vécut lui aussi
longtemps dans cette ville.
Dénoncé
comme juif en 1612 par un médisant, il se sortit de ce mauvais pas
en payant fort cher.
Par
la suite d’autres tentèrent de lui soutirer de l’argent, mais
l’homme d’affaires était non seulement habile, mais avait une
forte personnalité capable de répondre aux maîtres chanteurs. Il
démontrait sa foi en prêtant des tapisseries pour les fêtes
religieuses, en faisant l’aumône, en offrant des ornements
religieux à un hôpital et en entretenant d’excellentes relations,
y compris commerciales, avec la Compagnie de Jésus.
Lorsqu’il
dut présenter des témoignages favorables, défilèrent devant le
tribunal de l’Inquisition nombre d’hommes graves et de bonne
réputation qui assurèrent que Juan était irréprochable : ils
étaient moines, avocats, chevaliers, jésuites.
En
fait Juan était un fanatique du judaïsme.
Au
cours du procès, le 19/1/1633, l’accusation fiscale fut présentée.
Tout en réfutant les accusations portées contre lui, Juan rappela
qu’en 1625, alors que la situation économique de l’Espagne était
désastreuse, il fit un mémoire proposant des remèdes opportuns. En
ayant pris connaissance, le comte-duc de Olivarès en suivit les
préceptes. Accompagné de 9 banquiers portugais, Juan gagna Madrid
pour y servir le roi auquel il prêta une forte somme sans y attacher
d’intérêts.
Alors
qu’il devait subir le « tourment » avec son frère, ils
furent sauvés par des médecins qui déclarèrent le 11/1/1635
qu’ils ne pourraient supporter la torture sans grave danger. Juan
se débattit toute l’année 1636 et au travers des minutes du
procès on devine les pressions et les influences.
Le
20/12/1636 les Saravia furent livrés au bras séculier ; le
8/8/1637 eut lieu l’audience de tourment au cours de laquelle ils
n’avouèrent rien. Le 22/9/1637 Juan était, aussi subitement que
bizarrement, considéré comme mort, le 24 le procès était expédié.
Le
13/12/1637, Juan abjura « véhémentement » et dut payer
20.000 ducats. Cela semble peu et l’on peut suspecter qu’une main
puissante fit que les deux frères ne furent pas condamnés plus
sévèrement.
Les
documents de l’époque, publiés par Rodrigo Villa, indiquent
simplement qu’ils furent sauvés de la mort, car Juan avait un
accord avec le roi et qu’ils disparurent.
Notons, au passage, que même converti, Juan judaïsait. Dans son ouvrage "les juifs et le judaïsme à Bordeaux", Paul NAHON révèle qu'il fit venir d'Amsterdam, en 1631 et à grands frais, un rabbin pour circoncire son père Antonio, mourant.
Notons, également qu'il était loin d'être un saint puisqu'il fut reconnu coupable de se livrer au trafic de fausse monnaie. Il achetait aux faussaires Portugais de Hollande de grandes quantités de faux billons (pièces de cuivre), qu'il faisait acheminer, par bateau jusqu'à Bayonne ou St Jean de Luz, les introduisant, à partir de là, en Espagne voir "le faux monnayage hispanique au début du XVIIème siècle" par Olivier CAPOROSSI).
Il
y a donc des SARAVIA à Bayonne, Bordeaux et Rouen … et
il n'y a qu'une seule famille SARAVIA chez les Nouveaux Chrétiens.
mais
continuons.
En
1640, les BRAGANCE, souverains portugais, entrent en rébellion
contre le statut d’Union imposé par l’Espagne et, selon la
grande enciclopedia portuguesa et bresileira, envoient à Paris un
magistrat nommé Antonio Coelho SARAIVA pour négocier, avec la
France, un traité d’alliance offensive et défensive contre
l’Espagne. Ce traité Franco-Portugais sera signé le 29 mai 1641.
Le
21 avril 1646, un Antoine FERNANDES SARAVIA, portugais, reçoit ses
lettres de bourgeoisie de la jurade de Bordeaux et figure, l'année suivante, avec un Henriques NONES SARABIA sur le rôle des taxes des étrangers de
Bordeaux pour une somme rondelette de 600 livres.
Ce dernier que nous appellerons Henrique 1, n'est autre que le frère de Juan qui regagna Bordeaux après l'auto da Fé de 1637, pour y faire du Commerce et y décéder pieusement en 1651. Le registre de la paroisse Ste Eulalie nous précise qu'Enrique NUNEZ de SARAVIA est Espagnol ( donc non naturalisé ) et qu'il a payé 32 livres pour être enterré dans l'église des cordeliers de la ville. Il était le père de Lucretia épouse d'Antonio FERNANDES SARAVIA, de Catarina qui épousa Manuel LOPES SARABIA et d'Enrique 2 qui deviendra Henri de SARAVYE.
Un
autre document, que j’ai déposé aux Archives Municipales de
Bordeaux, nous révèle que le 1 août 1648, le greffier DEBRIAL, au
nom des consuls de la ville, enregistrait la requête déposée par Henrique 2, aux fins
«
d’obtenir l’enregistrement, au registre du trésor de la Cour de
céans, de la déclaration de Louis XIV, approuvée par sa mère, la
régente, acceptant que Henrique Nunez SARAVIA, bourgeois de
Bordeaux, agent et négociateur des deniers et affaires du roi de
Portugal, fasse tant ces fonctions que du négoce des marchands
portugais, sans préjudice de son droit de bourgeoisie et à sa
qualité de gentilhomme de la chambre de Sa Majesté, ni aux lettres
de naturalité que Sa majesté lui a accordé par la dite déclaration
du 23 février 1648, signée Louis et plus bas LOMENIE, scellée des
armes de France ;
Ensemble
des lettres du Grand Chambellan de France portant réception de
Gentilhomme de la chambre du roi, expédiées à Paris le 6 décembre
1647, signées par le roi, la reine régente sa mère présente et
GUENEGAUD »
Si son appartenance à la communauté portugaise est clairement
revendiquée, ceci ne l'empêche d'être gentilhomme de la Chambre du Roi. Ces derniers, choisis par le roi, avaient accès à ses appartements et portaient ses ordres aux Etats, Parlements et cours étrangères. .
Le
fait qu’il soit, également, agent négociateur du roi du
Portugal, peut laisser
supposer qu’il était fortement impliqué dans toutes les
tractations anti espagnoles que ces deux souverains fomentaient. Il devait être très actif car Louis XIV, par brevet du 14 octobre 1650, collationné par DARTIC, Conseiller du Roi en la Chancellerie de Bordeaux et Chambre des Lois en Guyenne, .lui octroya une pension annuelle de 100 livres pour ses agréables services.
Par
contrat, enregistré le 17 mars 1655 ( le nom du notaire est
illisible ), Messire Edouard DESFORGES, faisait don à son neveu
Henri SARAVIE, qualifié d’écuyer, « de
l’état et office de conseiller du roi et intendant particulier des
deniers communs et d’octrois de la ville et communauté de
l’étendue du ressort et élection de Noyon.
Depuis
1647 les impôts municipaux, dont la levée était jusqu’alors
autorisée par le roi, furent transformés en « deniers
d’octroi », c’est à dire octroyés par le roi. Ces taxes
étaient versées au trésor royal en échange de quoi le roi
assurait les dépenses de la ville. En 1653, le système évoluera,
le souverain reversant la moitié de ces deniers aux villes qui les
utiliseront pour assurer les dépenses de traitement de personnels,
d’entretiens des bâtiments, des rues, etc … Pour contrôler les
flux et l’utilisation de ces sommes le pouvoir central créa des
offices d’Intendants des deniers communs et d’octroy.
Henri
se retrouvait donc à gérer, pour le compte du roi, les 129
paroisses de l’élection de Noyon
La
donation, autrefois, était le plus souvent consentie en remerciement
de services rendus. Nul ne sait , à ce jour, ce qui amena le sieur
des FORGES a faire don à Henri, d’une charge à laquelle était
attachée la qualité de Conseiller du Roi qui, en 1655, n’était
pas encore galvaudée et vient accréditer l’importance de la charge.
Edouard
des FORGES, appartenait à une famille de la noblesse de robe de
Guise qui trustait les offices de finance ou de l’administration
des Eaux et Forêts de la Généralité de Soissons et le fait qu’il
qualifie Henri comme étant « son neveu » pose question…
peut-être notre ancêtre avait-il contracté un premier mariage avec
une demoiselle de cette famille dont les prénom et nom ne sont
pas parvenus jusqu’à nous. Son épouse, dans cette hypothèse,
décéda avant 1658, puisqu’à cette date, Henri, marié à Catherine
MARQUES habite Bordeaux..
En
1656, Henri, qui ne semble pas avoir de problèmes d’argent, achète
le fief de Molebert.
Le
minutier central des notaires de Paris, conserve sous la référence
XCII, liasses 159/160 un Contrat passé le 4 août 1656 devant
Maître BOULARD, notaire au Châtelet de Paris. Ce jour là, Jehan de
MOZAC, écuyer, seigneur des Damoyzeaux et de Molebert, domicilié à
Paris, rue de Montmorency, paroisse St Nicolas des Champs, reconnaît
avoir hérité de son père, Charles de MOZAC, par testament
enregistré le 24 mai 1652 chez BERTRAND, notaire de la ville
hollandaise de Delft, une seigneurie de quelques 260 hectares et en
faire vente à Henri SARAVIE, conseiller du roi, intendant
particulier des deniers communs et d’octrois de la ville et
élection de Noyon, domicilié à Paris, rue Brac ( aujourd’hui
Braque ), paroisse de St Nicolas des Champs.
Le
prix « de
la terre et seigneurie de Molebert, sise en Barrois, proche le
Bassigny, consistant en maison seigneurialle, en plusieurs bâtiments
et édiffices, coulombier à pied bâty de bricques, écurie,
logement de fermier, grange, estables et autres édiffices et aveq
600 arpens de terres labourables, 200 arpens de pred, 60 arpens de
bois taillis et haute futaye et toutes autres appartenances et
dépendances de ladite terre », avait
été fixé à 24.000 livres tournois dont 15.000 furent réglées
cash, en louis d’or.
Quant
aux 9.000 livres restantes, Henri effacera trois créances, de 3.000
livres chacune, faites au dit MOZAC et datées des 12 septembre
1652, 20 janvier 1654 et 14 décembre 1655.
Molbert
mouvait et relevait de « Monsieur
le marquis de MOUY à cause de son château et terre de la fauche. »
Lafauche, commune de
Haute-Marne proche de Liffol, était une baronnie sise dans une
enclave du Barrois mouvant. Le titre de marquis de MOUY était alors
porté par Henri de Lorraine dont la famille, en cette même année
1656, abandonnait la cause des Princes pour rallier MAZARIN. On n’en
sort pas !
Les
années passent et les princes ralliant, les uns après les autres,
la cause de MAZARIN et de la Régente, les Espagnols se retrouvent
seuls, vont de défaites en déroutes et se résignent à faire la
paix. En 1659, les belligérants mettent la dernière main à la
rédaction du traité des Pyrénées et le maréchal-duc de GRAMONT
se rend à Madrid pour négocier le mariage, doté de 500.000 ducats
d’or, du futur Louis XIV et de l’Infante Marie-Thérèse.
Le
roi Alphonse VI de Portugal, voyant l’occasion de se défaire du
joug d’une Espagne vaincue et affaiblie, entend réactiver le
traité de 1641 et missionne, à la Cour de France, l’un de ses
proches, Joan DA COSTA, comte de Soure ( 1610-1664 ) dont le
supplément au Grand Dictionnaire de Moreri et l’encyclopédie
portugaise nous apprennent qu’il était mestre de camp général,
ministre de la guerre et un temps ambassadeur en France…un Monsieur
qui comptait !
A cette date, Henry a rejoint Bordeaux où il habite paroisse Ste Eulalie. C'est dans cette ville qu'est baptisé, le 28 août 1658, en la cathédrale St André, "Paul, fils d'Henri SARABIE, Sr de Molbert et de Catherine MARQUES, demoiselle. Parrain Sieur Paul Despois, bourgeois et marchand, marraine Philippe DESPOIS, sa fille".
Le
9 juin 1660, l’Infante Marie-Thérèse épouse Louis XIV dans
l’église de St Jean de Luz
Huit
jours plus tard, dans l’église Saint Etienne d’Arribe
Labourd ( tiens, tiens ) ..
« Le
dix-septième juin 1660 a esté baptisé Jean de SARAVYE, fils de
Monsieur Henri de SARAVYE, Sr de Molber, conseiller du roy et
intendant particulier des deniers communs et d’octroy de la ville
de Noyon et Catherine MARCQ, damoiselle, son épouse. Parrin Don
Jouan DACOSTE, compte de Sore, ambassadeur extraordinaire du roy de
Portugal ; Marraine, dame Françoise Marguerite de GRAMOND,
veuve, marquise de LONS ayant été priée de se tenir à la place de
madame Françoise DUPLESSY CHIVRE (
en réalité du PLESSIS-CHIVRE,
petite-nièce de
Richelieu ) mareschalle
et duchesse de GRAMOND. »
DA
COSTA, pour parrain et la marquise de LONS, représentant sa belle-sœur, la
maréchale de GRAMONT, marraine du bébé. Diable ! à
l’évidence, notre ancêtre gentilhomme de la Chambre, avait du
rendre de fieffés services pour que de tels poids lourds se
déplacent.
Bernard,
fils cadet, baptisé l’année suivante dans cette même paroisse,
eut pour parrain et marraine des gens de qualité, mais de simples
« régionaux de l’étape » : maître Bernard
DESPESSAILLES, notaire et greffier de la Juridiction de St Esprit, et Marie DUVIGNE, épouse de Bertrand de
LABORDE, homme d’armes.
Henri
restera parmi ceux de sa « Nation » puisqu’on le
retrouve mentionné, comme habitant du bourg St Esprit, dans des
actes passés les 30 juin 1673 et 3 mai 1674 devant Maître REBOUL,
notaire à Bayonne. Dans ce dernier acte, signé DESARAVYE, Henri ne
décline plus ni sa qualité d’intendant particulier, ni celle de
Sr de Molbert et nous pouvons logiquement supposer qu’ayant atteint
un certain âge, il avait définitivement quitté la capitale,
revendu charge et fief et s’était retiré des « affaires. »
De
l’histoire des NUNEZ de SARAVIA, devenus SARAVYE, qui sent le
soufre et la diplomatie secrète, Alexandre DUMAS aurait écrit un
roman fleuve mettant en scène un « nouveau Chrétien »
portugais servant d’intermédiaire entre MAZARIN et les BRAGANCE
pour se venger d’un roi d’Espagne qui, ne pouvant rembourser
l’argent prêté par sa famille, l’avait ruinée en la livrant à
l’Inquisition, même si oeuvrant, in fine, pour lui éviter le
bûcher…
et
après tout, pourquoi pas ?
En
1697, Jean SARAVYE, qui habite rue St Julien à Bordeaux, dans un
quartier majoritairement peuplé de « Portugais »
et dans le faubourg duquel était construit l’un des cimetières
des juifs portugais aujourd’hui désaffecté, convole en justes
noces avec la très catholique Thérèse VANONSE(69),
nièce d’un protonotaire apostolique du Saint-Siège de la province
d’Anvers. Le contrat est rédigé le 26 septembre 1697 entre :
« Sieur
Jean SARAVYE, surnommé St MARC, commis dans les fermes du roy à
Bordeaux, y demeurant rue St Julien, paroisse Ste Eulalie, natif de
la ville de Bayonne, fils de feu Henry SARAVYE, aussi employé audit
service et de Catherine MARCQS, procédent du vouloir et consentement
de sa mère dont il promet de repporter avant
la célébration du mariage ;
Et
Thérèse VANNONCE, native et habitante de cette ville de Bordeaux,
rue St Paul, paroisse St Christoly, fille légitime de feu Jean
VANNONCE, bourgeois et marchand de Bordeaux et de Anne NANTIAC,
demoiselle, procédent du vouloir et consentement de sa mère et de
l’avis et conseil de Marianne et Catherine VANNONCE, ses sœurs, de
Sr Jean BONTAUD de St AUBIN et Jeanne REGUIRON, conjoints, ses
cousins et cousines
Ladite
NANTIAC constitue en dot et promet de bailler à sa fille la somme
de 400 livres en argent payables avant la bénédiction nuptiale
et 300 livres de mobilier, ladite constitution étant faite par
préciput et avantage sur le fils et les autres filles de ladite
NANTIAC.
La
future se constitue en outre la somme de 700 livres que lui a léguée
la Demoiselle Catherine DESHAYES, habitante lors de son décès de la
ville d’Anvers. Pour se faire payer la future épouse, comme
majeure de 25 ans, constitue le futur époux comme son procureur.
Les
futurs époux s’associent pour moitié aux acquêts, le survivant
gagnera sur les biens du premier décédé la somme de 500 livres.
Fait
à Bordeaux dans la maison de ladite NANTIAC en présence de Jean
AUBERGNION et Jean PARRAU, praticiens.»
Catherine
MARCKX, devenue Catherine MARCQ, signe « de SAINT-MARC »
l’approbation des dispositions du susdit contrat de mariage de son
fils Jean. L’acte est passé devant maître SENECAU, notaire à
Dax. On peut supposer que, trop âgée ou malade, elle n’avait pu
faire le voyage.
Jean
dut faire un beau parcours dans les Fermes Générales si l’on se
réfère aux qualificatifs qui lui sont donnés dans l’acte de
décès de son épouse, en date du 19 mars 1735, où celle-ci est
dite «
Thérèse VANONSE,
veufve de messire St MARC, écuyer. »
Jean
et Thérèse eurent un fils, Jean-Gabriel, contrôleur du mesurage
des sels aux Fermes Générales de Bordeaux qui, vivant
« noblement », mit son point d’honneur à remplacer le
trait-d'union entre SARAVIE et SAINT-MARC par une particule. En
quatre générations les SARAVIA étaient devenus les SARAVIE de
SAINT-MARC.
Messire
Jean-Gabriel SARAVIE de SAINT-MARC, Ecuyer, mourut en 1784 à
Bordeaux, où il fut enterré dans l’église des Pères Carmes
Déchaussés. Il avait eu trois enfants :
- notre ancêtre Rose, qui épousa Pierre-Antoine
- François, prêtre bénéficier de l’église Sainte-Colombe à Bordeaux et
- Marie-Victoire, qui épousa le 18 décembre 1783 Jean-Baptiste LOSTAU, avocat puis procureur impérial à La Réole, chevalier de la Légion d’Honneur. Leur premier fils, né en 1785, eut pour parrain César FAUCHER, avocat au Parlement de Paris et officier de dragons au régiment de Boufflers, connu avec son frère Constantin, sous le nom de « jumeaux de La Réole ». Généraux de la Révolution, ralliés à l'Empereur après le retour de l'lle d'Elbe, ils seront fusillés pour sédition en 1816. Cet épisode de la « Terreur Blanche » suscitera des controverses jusque sous la Monarchie de Juillet.
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