samedi 7 septembre 2013

Eric Dubruel : notes sur la famille SARAVIE de St MARC





    



De la diaspora à l’establishment Bordelais



alors quid des SARAVIA , puisque tel était leur nom lors de leur arrivée en France ?



Vous savez le sort que l’Inquisition réservait aux juifs en Espagne et au Portugal ! De ceux qui avaient pu fuir, beaucoup vinrent en France et se fixèrent à proximité des frontières espagnoles, à Dax, Peyrehorade, La Bastide-Clairence, Bidache ou Bayonne. Ces familles s’adonnaient, essentiellement, à la distribution de produits extra-régionaux ou à la collecte et au commerce des laines espagnoles.

Par lettres Patentes, rendues en 1550, Henri II donna aux Juifs les mêmes droits que ceux des sujets français. La « Nation portugaise » de  Bayonne, compta rapidement près de 700 familles et fut déménagée de force par les habitants au Faubourg Saint Esprit qui, bien que relié à la ville par un grand pont de bois jeté sur l'Adour, relevait de la sénéchaussée de Dax puisque situé sur la rive droite du fleuve. Les Portugais ne pouvaient avoir "aucune habitation ni boutique à Bayonne" et devaient quitter chaque jour la cité avant le coucher du soleil, quitte à y revenir tous les matins.

Méfiants, les "Portugais" de Saint-Esprit, se mirent à observer les pratiques extérieures du culte catholique. Ils assistaient aux offices, versaient aux œuvres et achetaient ornements et vêtements religieux aux desservants de «leur» paroisse de saint Etienne d’Arribe Labourd. Ils y faisaient baptiser les nouveaux
nés, enterrant toutefois leurs morts, jusqu'à la fin du XVIIe siècle, au campo San Simon, selon les rites juifs et avec l'accord du curé. Ils y gagnèrent le surnom de « convertis », mais restaient des « Marranes », ce qui veut dire cochons en espagnol – parce que précisément cet animal leur faisait horreur.

Ils développèrent rapidement des activités commerciales et bancaires avec les communautés portugaises de Bordeaux, Rouen, Anvers, Amsterdam, Londres et des villes hanséatiques… Ils voyageaient beaucoup et certains, officiellement catholiques, n’hésitaient pas à se rendre sous couvert de voyages d’affaires, en péninsule ibérique.

Une partie des bénéfices engrangés par leur commerce était utilisée à favoriser l’exode, vers ou via la France, de parents ou d’amis restés au Pays et il fallait parfois aller sur place pour organiser les choses.

Ce réseau riche, efficace et habitué à mener toutes sortes d’activités dans la clandestinité, faisait des « portugais » des intermédiaires de premier plan, surtout quand on attisait leur haine de l’Espagnol.

En 1580, l’Espagne annexe le Portugal et y introduit l’Inquisition et son cortège d’autos da Fe, de tortures, d’arrestations arbitraires ou de « réconciliations » assorties de la confiscation des biens du repenti. Autant certains juifs espagnols convertis avaient-ils pu intégrer la société civile et jouir des droits et privilèges des nationaux, autant ceux du Portugal faisaient l’objet de toutes les persécutions et exclusions.

Pourquoi ce long préambule ? Voici deux textes relatant les heurs et malheurs de deux drôles de frères SARAVIA qui ayant eu maille à partir avec l’Inquisition, se fixèrent en France. Etonnant, non ?

Le premier article : « el processo inquisatorial de Juan Nunez de Saravia, banquero de Felipe V », rédigé par Antonio DOMINGUEZ-ORTIZ dans la revue Hispania Revista Espanola de Historia de 1955, nous apprend que :

 Juan Nunez Saravia, descendant de nouveaux chrétiens du Portugal, est arrivé à Madrid vers 1606. En 1612, il est dénoncé, une première fois pour judaïsme, est entendu par Fernando Rodriguez Farinas, maire de la ville, qui le fit jeter en prison. Personne n’explique, ni pourquoi, ni comment, il fut libéré deux ans plus tard, ni comment il amassa la fortune qui, plus tard, lui permit d’intervenir dans les affaires, comme on en trouve trace dans les archives du « consejo de hacienda » (ministère des finances).
Mentionné une première fois pour un prêt qu’il accorda à la couronne Espagnole, in solidum avec neuf autres portugais, de 1.852.000 ducats et escudo, il est à nouveau cité, en 1629 lorsqu’il engage, seul, 240.000 ducats et escudos.
Aimablement sollicité, l’année suivante, pour placer en Flandres 370.500 escudos, il se fit tellement tirer l’oreille que le consejo fit remarquer au roi que si Saravia ne pouvait remplir ses obligations, il fallait, pour le moins, le retirer des affaires, voire lui infliger un châtiment exemplaire.
Comme le hasard fait bien les choses, cette même année 1630, une certaine Juana de Silva le dénonça comme pratiquant le judaïsme en secret et protégeant les judaïsants.
Juan Nunez et son frère Enrique vivant habituellement à Bayonne, mais qui fréquemment venaient en Espagne, organisèrent l’assassinat de la délatrice, s’imaginant que l’histoire en resterait là
Un étudiant les mit en relation avec un portugais qui exécuta le crime. Saravia ne voulant rien donner, ni au tueur, ni à l’étudiant, le premier déguerpit du pays et le second courut tout avouer tout au Saint office qui s’intéressa de fort près aux deux frères, rassembla plus de vingt témoignages et procéda à leur arrestation au printemps 1632.
A l’accusation de judaïsme vinrent s’en greffer d’autres comme celles de s’adonner à la contrebande de marchandises et de monnaie, d’aider des juifs portugais en fuite à passer en France et d’entretenir des relations douteuses avec l’étranger.
Un témoin déclara avoir entendu dire, à Bordeaux, par certaines personnes très proches de Sariava, que celui-ci et ses amis avaient envoyé en Italie plus de 150.000 ducats avec l’intention d’aller vivre là-bas.
Naturellement Nunez nia tout en bloc. L’Inquisition dépêcha, en France, Juan Batista de Villadiego, secrétaire de l’Inquisition de Llerena pour enquêter dans les villes où vivaient de nombreux juifs et convertis hispano-portugais, afin de découvrir la nature de leurs relations avec les frères Saravia.
Villadiego acquit, rapidement, la conviction que Juan Nunez Saravia était juif, mais ne put rassembler de preuves…
le procès suivait lentement son cours ; les comptes de l’inculpé, examinés en 1635, firent apparaître un déficit comptable de 17.900.578 maravédis, mais pas la moindre affaire douteuse ni le moindre élément de preuve dans la participation de Juan au meurtre de Juana da Silva.

Les seules charges restantes étaient les indices de judaïsme, le fait de favoriser ceux de sa race, d’avoir célébré en certaine occasion le Grand Jour des juifs et de se livrer illégalement au trafic de monnaie.
Les témoins à décharge affirmèrent que Juan était bon chrétien, qu’il détenait une concession à perpétuité et des images saintes chez lui, qu’il s’acquittait envers l’Eglise et qu’il avait doté une religieuse.
Ces allégations ne donnèrent pas satisfaction aux inquisiteurs qui, en décembre 1636, votèrent la Question. On sollicita l’avis de deux médecins : l’un le déclara capable de la subir, alors que l’autre donna un avis contraire, car Saravia souffrait de goutte et d’une hernie.
Il semble que la Question lui fut donnée avec modération et ne dura qu’une heure et demie, on lui donna « quelques tours de cordes », mais sans employer la « toque. » Ceci confirme que des indications venues « d’en haut » firent qu’il fut traité avec une certaine bénignité.
Saravia nia et eut la vie sauve ; les inquisiteurs demandèrent six ans d’exil de la Cour du roi et des vingt lieues alentours, ainsi qu’une amende de 20.000 ducats à verser au fisc royal, cent coups de fouet et quatre ans de galères ; mais la sentence de la « Suprême » fut plus clémente.
« Qu’il sorte de l’église du Senor San Pedro Martir de cette ville en pénitent, sans manteau, sans ceinture ni bonnet et un habit de pénitent en toile jaune sur ses vêtements, et un cierge de cire entre les mains où sera inscrite la sentence, et qu’il abjure publiquement de façon véhémente les hérésies dont il est accusé et qui ont été certifiées par le procès. Il est également condamné à 20.000 ducats pour les frais du Saint-Office. »
Le 13/1/1638 la sentence fut célébrée à Tolède.

Le nom de Saravia ne parut plus dans les affaires et nous n’avons plus aucune nouvelle ensuite.


2) Le second texte est tiré du tome II du livre de Julio CARO BAROJA : Los judios en la Espana moderna y contemporania, Tomo II et raconte la même histoire en apportant quelques éléments complémentaires.

Juan Nunez Saravia, vers 1630, était un homme de 50 ans, de stature moyenne, blond ou roux de chevelure et de barbe, marié depuis relativement peu de temps.
Il passait beaucoup de temps à la Cour depuis le début du siècle, où il avait été introduit par l’un de ses oncles, Juan Nunez Correa.
Sa famille, constituée de nouveaux chrétiens et son père, Juan Nunez Antonio Ferreirin avaient quitté la péninsule vers 1607/1608 pour rejoindre Bordeaux où il mourut en 1631. Enrique, frère de Juan, vécut lui aussi longtemps dans cette ville.
Dénoncé comme juif en 1612 par un médisant, il se sortit de ce mauvais pas en payant fort cher.
Par la suite d’autres tentèrent de lui soutirer de l’argent, mais l’homme d’affaires était non seulement habile, mais avait une forte personnalité capable de répondre aux maîtres chanteurs. Il démontrait sa foi en prêtant des tapisseries pour les fêtes religieuses, en faisant l’aumône, en offrant des ornements religieux à un hôpital et en entretenant d’excellentes relations, y compris commerciales, avec la Compagnie de Jésus.
Lorsqu’il dut présenter des témoignages favorables, défilèrent devant le tribunal de l’Inquisition nombre d’hommes graves et de bonne réputation qui assurèrent que Juan était irréprochable : ils étaient moines, avocats, chevaliers, jésuites.
En fait Juan était un fanatique du judaïsme.
Au cours du procès, le 19/1/1633, l’accusation fiscale fut présentée. Tout en réfutant les accusations portées contre lui, Juan rappela qu’en 1625, alors que la situation économique de l’Espagne était désastreuse, il fit un mémoire proposant des remèdes opportuns. En ayant pris connaissance, le comte-duc de Olivarès en suivit les préceptes. Accompagné de 9 banquiers portugais, Juan gagna Madrid pour y servir le roi auquel il prêta une forte somme sans y attacher d’intérêts.
Alors qu’il devait subir le « tourment » avec son frère, ils furent sauvés par des médecins qui déclarèrent le 11/1/1635 qu’ils ne pourraient supporter la torture sans grave danger. Juan se débattit toute l’année 1636 et au travers des minutes du procès on devine les pressions et les influences.
Le 20/12/1636 les Saravia furent livrés au bras séculier ; le 8/8/1637 eut lieu l’audience de tourment au cours de laquelle ils n’avouèrent rien. Le 22/9/1637 Juan était, aussi subitement que bizarrement, considéré comme mort, le 24 le procès était expédié.
Le 13/12/1637, Juan abjura « véhémentement » et dut payer 20.000 ducats. Cela semble peu et l’on peut suspecter qu’une main puissante fit que les deux frères ne furent pas condamnés plus sévèrement.
Les documents de l’époque, publiés par Rodrigo Villa, indiquent simplement qu’ils furent sauvés de la mort, car Juan avait un accord avec le roi et qu’ils disparurent.

Notons, au passage, que même converti, Juan judaïsait. Dans son ouvrage "les juifs et le judaïsme à Bordeaux", Paul NAHON révèle qu'il fit venir d'Amsterdam, en 1631 et à grands frais, un rabbin pour circoncire son père Antonio, mourant.

Notons, également qu'il était loin d'être un saint puisqu'il fut reconnu coupable de se livrer au trafic de fausse monnaie. Il achetait aux faussaires Portugais de Hollande de grandes quantités de faux billons (pièces de cuivre), qu'il faisait acheminer, par bateau jusqu'à Bayonne ou St Jean de Luz, les introduisant, à partir de là, en Espagne voir "le faux monnayage hispanique au début du XVIIème siècle" par Olivier CAPOROSSI). 

Il y a donc des SARAVIA à Bayonne, Bordeaux et Rouen … et il n'y a qu'une seule famille SARAVIA chez les Nouveaux Chrétiens.

mais continuons.

En 1640, les BRAGANCE, souverains portugais, entrent en rébellion contre le statut d’Union imposé par l’Espagne et, selon la grande enciclopedia portuguesa et bresileira, envoient à Paris un magistrat nommé Antonio Coelho SARAIVA pour négocier, avec la France, un traité d’alliance offensive et défensive contre l’Espagne. Ce traité Franco-Portugais sera signé le 29 mai 1641.

Le 21 avril 1646, un Antoine FERNANDES SARAVIA, portugais, reçoit ses lettres de bourgeoisie de la jurade de Bordeaux et figure, l'année suivante, avec un Henriques NONES SARABIA sur le rôle des taxes des étrangers de Bordeaux pour une somme rondelette de 600 livres.
Ce dernier que nous appellerons Henrique 1, n'est autre que le frère de Juan qui regagna Bordeaux après l'auto da Fé de 1637, pour y faire du Commerce et y décéder pieusement en 1651. Le registre de la paroisse Ste Eulalie nous précise qu'Enrique NUNEZ de SARAVIA est Espagnol ( donc non naturalisé ) et qu'il a payé 32 livres pour être enterré dans l'église des cordeliers de la ville. Il était le père de Lucretia épouse d'Antonio FERNANDES SARAVIA, de Catarina qui épousa Manuel LOPES SARABIA et d'Enrique 2 qui deviendra Henri de SARAVYE.

Un autre document, que j’ai déposé aux Archives Municipales de Bordeaux, nous révèle que le 1 août 1648, le greffier DEBRIAL, au nom des consuls de la ville, enregistrait la requête déposée par Henrique 2, aux fins

«  d’obtenir l’enregistrement, au registre du trésor de la Cour de céans, de la déclaration de Louis XIV, approuvée par sa mère, la régente, acceptant que Henrique Nunez SARAVIA, bourgeois de Bordeaux, agent et négociateur des deniers et affaires du roi de Portugal, fasse tant ces fonctions que du négoce des marchands portugais, sans préjudice de son droit de bourgeoisie et à sa qualité de gentilhomme de la chambre de Sa Majesté, ni aux lettres de naturalité que Sa majesté lui a accordé par la dite déclaration du 23 février 1648, signée Louis et plus bas LOMENIE, scellée des armes de France ;

Ensemble des lettres du Grand Chambellan de France portant réception de Gentilhomme de la chambre du roi, expédiées à Paris le 6 décembre 1647, signées par le roi, la reine régente sa mère présente et GUENEGAUD »

Si son appartenance à la communauté portugaise est clairement revendiquée, ceci ne l'empêche d'être gentilhomme de la Chambre du Roi. Ces derniers, choisis par le roi, avaient accès à ses appartements et portaient ses ordres aux Etats, Parlements et cours étrangères. .

Le fait qu’il soit, également, agent négociateur du roi du Portugal, peut laisser supposer qu’il était fortement impliqué dans toutes les tractations anti espagnoles que ces deux souverains fomentaient. Il devait être très actif car Louis XIV, par brevet du 14 octobre 1650, collationné par DARTIC, Conseiller du Roi en la Chancellerie de Bordeaux et Chambre des Lois en Guyenne, .lui octroya une pension annuelle de 100 livres pour ses agréables services. 

Par contrat, enregistré le 17 mars 1655 ( le nom du notaire est illisible ), Messire Edouard DESFORGES, faisait don à son neveu Henri SARAVIE, qualifié d’écuyer, « de l’état et office de conseiller du roi et intendant particulier des deniers communs et d’octrois de la ville et communauté de l’étendue du ressort et élection de Noyon

Depuis 1647 les impôts municipaux, dont la levée était jusqu’alors autorisée par le roi, furent transformés en « deniers d’octroi », c’est à dire octroyés par le roi. Ces taxes étaient versées au trésor royal en échange de quoi le roi assurait les dépenses de la ville. En 1653, le système évoluera, le souverain reversant la moitié de ces deniers aux villes qui les utiliseront pour assurer les dépenses de traitement de personnels, d’entretiens des bâtiments, des rues, etc … Pour contrôler les flux et l’utilisation de ces sommes le pouvoir central créa des offices d’Intendants des deniers communs et d’octroy.

Henri se retrouvait donc à gérer, pour le compte du roi, les 129 paroisses de l’élection de Noyon

La donation, autrefois, était le plus souvent consentie en remerciement de services rendus. Nul ne sait , à ce jour, ce qui amena le sieur des FORGES a faire don à Henri, d’une charge à laquelle était attachée la qualité de Conseiller du Roi qui, en 1655, n’était pas encore galvaudée et vient accréditer l’importance de la charge.

Edouard des FORGES, appartenait à une famille de la noblesse de robe de Guise qui trustait les offices de finance ou de l’administration des Eaux et Forêts de la Généralité de Soissons et le fait qu’il qualifie Henri comme étant « son neveu » pose question… peut-être notre ancêtre avait-il contracté un premier mariage avec une demoiselle de cette famille dont les prénom et nom ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Son épouse, dans cette hypothèse, décéda avant 1658, puisqu’à cette date, Henri, marié à Catherine MARQUES habite Bordeaux..

En 1656, Henri, qui ne semble pas avoir de problèmes d’argent, achète le fief de Molebert.

Le minutier central des notaires de Paris, conserve sous la référence XCII, liasses 159/160 un  Contrat passé le 4 août 1656 devant Maître BOULARD, notaire au Châtelet de Paris. Ce jour là, Jehan de MOZAC, écuyer, seigneur des Damoyzeaux et de Molebert, domicilié à Paris, rue de Montmorency, paroisse St Nicolas des Champs, reconnaît avoir hérité de son père, Charles de MOZAC, par testament enregistré le 24 mai 1652 chez BERTRAND, notaire de la ville hollandaise de Delft, une seigneurie de quelques 260 hectares et en faire vente à Henri SARAVIE, conseiller du roi, intendant particulier des deniers communs et d’octrois de la ville et élection de Noyon, domicilié à Paris, rue Brac ( aujourd’hui Braque ), paroisse de St Nicolas des Champs. 

Le prix «  de la terre et seigneurie de Molebert, sise en Barrois, proche le Bassigny, consistant en maison seigneurialle, en plusieurs bâtiments et édiffices, coulombier à pied bâty de bricques, écurie, logement de fermier, grange, estables et autres édiffices et aveq 600 arpens de terres labourables, 200 arpens de pred, 60 arpens de bois taillis et haute futaye et toutes autres appartenances et dépendances de ladite terre », avait été fixé à 24.000 livres tournois dont 15.000 furent réglées cash, en louis d’or.

Quant aux 9.000 livres restantes, Henri effacera trois créances, de 3.000 livres chacune, faites au dit MOZAC et datées des 12 septembre 1652, 20 janvier 1654 et 14 décembre 1655.

Molbert mouvait et relevait de « Monsieur le marquis de MOUY à cause de son château et terre de la fauche. » Lafauche, commune de Haute-Marne proche de Liffol, était une baronnie sise dans une enclave du Barrois mouvant. Le titre de marquis de MOUY était alors porté par Henri de Lorraine dont la famille, en cette même année 1656, abandonnait la cause des Princes pour rallier MAZARIN. On n’en sort pas !

Les années passent et les princes ralliant, les uns après les autres, la cause de MAZARIN et de la Régente, les Espagnols se retrouvent seuls, vont de défaites en déroutes et se résignent à faire la paix. En 1659, les belligérants mettent la dernière main à la rédaction du traité des Pyrénées et le maréchal-duc de GRAMONT se rend à Madrid pour négocier le mariage, doté de 500.000 ducats d’or, du futur Louis XIV et de l’Infante Marie-Thérèse.

Le roi Alphonse VI de Portugal, voyant l’occasion de se défaire du joug d’une Espagne vaincue et affaiblie, entend réactiver le traité de 1641 et missionne, à la Cour de France, l’un de ses proches, Joan DA COSTA, comte de Soure ( 1610-1664 ) dont le supplément au Grand Dictionnaire de Moreri et l’encyclopédie portugaise nous apprennent qu’il était mestre de camp général, ministre de la guerre et un temps ambassadeur en France…un Monsieur qui comptait !

A cette date, Henry a rejoint Bordeaux où il habite paroisse Ste Eulalie. C'est dans cette ville qu'est baptisé, le 28 août 1658, en la cathédrale St André, "Paul, fils d'Henri SARABIE, Sr de Molbert et de Catherine MARQUES, demoiselle. Parrain Sieur Paul Despois, bourgeois et marchand, marraine Philippe DESPOIS, sa fille".


Le 9 juin 1660, l’Infante Marie-Thérèse épouse Louis XIV dans l’église de St Jean de Luz

Huit jours plus tard, dans l’église Saint Etienne d’Arribe Labourd ( tiens, tiens ) ..

« Le dix-septième juin 1660 a esté baptisé Jean de SARAVYE, fils de Monsieur Henri de SARAVYE, Sr de Molber, conseiller du roy et intendant particulier des deniers communs et d’octroy de la ville de Noyon et Catherine MARCQ, damoiselle, son épouse. Parrin Don Jouan DACOSTE, compte de Sore, ambassadeur extraordinaire du roy de Portugal ; Marraine, dame Françoise Marguerite de GRAMOND, veuve, marquise de LONS ayant été priée de se tenir à la place de madame Françoise DUPLESSY CHIVRE ( en réalité du PLESSIS-CHIVRE, petite-nièce de Richelieu ) mareschalle et duchesse de GRAMOND. »

DA COSTA, pour parrain et la marquise de LONS, représentant sa belle-sœur, la maréchale de GRAMONT, marraine du bébé. Diable ! à l’évidence, notre ancêtre gentilhomme de la Chambre, avait du rendre de fieffés services pour que de tels poids lourds se déplacent.

Bernard, fils cadet, baptisé l’année suivante dans cette même paroisse, eut pour parrain et marraine des gens de qualité, mais de simples « régionaux de l’étape » : maître Bernard DESPESSAILLES, notaire et greffier de la Juridiction de St Esprit, et Marie DUVIGNE, épouse de Bertrand de LABORDE, homme d’armes.

Henri restera parmi ceux de sa « Nation » puisqu’on le retrouve mentionné, comme habitant du bourg St Esprit, dans des actes passés les 30 juin 1673 et 3 mai 1674 devant Maître REBOUL, notaire à Bayonne. Dans ce dernier acte, signé DESARAVYE, Henri ne décline plus ni sa qualité d’intendant particulier, ni celle de Sr de Molbert et nous pouvons logiquement supposer qu’ayant atteint un certain âge, il avait définitivement quitté la capitale, revendu charge et fief et s’était retiré des « affaires. »

De l’histoire des NUNEZ de SARAVIA, devenus SARAVYE, qui sent le soufre et la diplomatie secrète, Alexandre DUMAS aurait écrit un roman fleuve mettant en scène un « nouveau Chrétien » portugais servant d’intermédiaire entre MAZARIN et les BRAGANCE pour se venger d’un roi d’Espagne qui, ne pouvant rembourser l’argent prêté par sa famille, l’avait ruinée en la livrant à l’Inquisition, même si oeuvrant, in fine, pour lui éviter le bûcher…

et après tout, pourquoi pas ?

En 1697, Jean SARAVYE, qui habite rue St Julien à Bordeaux, dans un quartier majoritairement peuplé de  « Portugais » et dans le faubourg duquel était construit l’un des cimetières des juifs portugais aujourd’hui désaffecté, convole en justes noces avec la très catholique Thérèse VANONSE(69), nièce d’un protonotaire apostolique du Saint-Siège de la province d’Anvers. Le contrat est rédigé le 26 septembre 1697 entre :

« Sieur Jean SARAVYE, surnommé St MARC, commis dans les fermes du roy à Bordeaux, y demeurant rue St Julien, paroisse Ste Eulalie, natif de la ville de Bayonne, fils de feu Henry SARAVYE, aussi employé audit service et de Catherine MARCQS, procédent du vouloir et consentement de sa mère dont il promet de repporter avant la célébration du mariage ;

Et Thérèse VANNONCE, native et habitante de cette ville de Bordeaux, rue St Paul, paroisse St Christoly, fille légitime de feu Jean VANNONCE, bourgeois et marchand de Bordeaux et de Anne NANTIAC, demoiselle, procédent du vouloir et consentement de sa mère et de l’avis et conseil de Marianne et Catherine VANNONCE, ses sœurs, de Sr Jean BONTAUD de St AUBIN et Jeanne REGUIRON, conjoints, ses cousins et cousines

Ladite NANTIAC constitue en dot et promet de bailler à sa fille la somme de 400 livres en argent payables avant la bénédiction nuptiale et 300 livres de mobilier, ladite constitution étant faite par préciput et avantage sur le fils et les autres filles de ladite NANTIAC.

La future se constitue en outre la somme de 700 livres que lui a léguée la Demoiselle Catherine DESHAYES, habitante lors de son décès de la ville d’Anvers. Pour se faire payer la future épouse, comme majeure de 25 ans, constitue le futur époux comme son procureur. 

Les futurs époux s’associent pour moitié aux acquêts, le survivant gagnera sur les biens du premier décédé la somme de 500 livres.

Fait à Bordeaux dans la maison de ladite NANTIAC en présence de Jean AUBERGNION et Jean PARRAU, praticiens.»


Catherine MARCKX, devenue Catherine MARCQ, signe « de SAINT-MARC » l’approbation des dispositions du susdit contrat de mariage de son fils Jean. L’acte est passé devant maître SENECAU, notaire à Dax. On peut supposer que, trop âgée ou malade, elle n’avait pu faire le voyage.

Jean dut faire un beau parcours dans les Fermes Générales si l’on se réfère aux qualificatifs qui lui sont donnés dans l’acte de décès de son épouse, en date du 19 mars 1735, où celle-ci est dite «  Thérèse VANONSE, veufve de messire St MARC, écuyer. »

Jean et Thérèse eurent un fils, Jean-Gabriel, contrôleur du mesurage des sels aux Fermes Générales de Bordeaux qui, vivant « noblement », mit son point d’honneur à remplacer le trait-d'union entre SARAVIE et SAINT-MARC par une particule. En quatre générations les SARAVIA étaient devenus les SARAVIE de SAINT-MARC.

Messire Jean-Gabriel SARAVIE de SAINT-MARC, Ecuyer, mourut en 1784 à Bordeaux, où il fut enterré dans l’église des Pères Carmes Déchaussés. Il avait eu trois enfants :

  • notre ancêtre Rose, qui épousa Pierre-Antoine
  • François, prêtre bénéficier de l’église Sainte-Colombe à Bordeaux et
  • Marie-Victoire, qui épousa le 18 décembre 1783 Jean-Baptiste LOSTAU, avocat puis procureur impérial à La Réole, chevalier de la Légion d’Honneur. Leur premier fils, né en 1785, eut pour parrain César FAUCHER, avocat au Parlement de Paris et officier de dragons au régiment de Boufflers, connu avec son frère Constantin, sous le nom de « jumeaux de La Réole ». Généraux de la Révolution, ralliés à l'Empereur après le retour de l'lle d'Elbe, ils seront fusillés pour sédition en 1816. Cet épisode de la « Terreur Blanche » suscitera des controverses jusque sous la Monarchie de Juillet.




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