Jean Dubruel, fils d’Arnaud, greffier de Cahors et d’Anne Dulac naquit à Prayssac
le 8 juillet 1690 et, d’après ce que l’on sait, était le troisième d’une
fratrie de sept.
Que l’abondance de progéniture chez les DUBRUEL
contraignît les cadets à essaimer dans la région faute d’héritage, peut se concevoir, mais le choix de
s’installer à Martignas, si loin de ses bases familiales, demeure un
mystère.
Il fait son apparition dans cette paroisse
en février 1718 où, habitant de la commune, il signe le registre paroissial comme témoin à un baptême.
le 17 janvier 1719, lorsqu’il épouse Peyronne
RAYMOND, fille de feu Guilhelm RAYMOND ( décédé à Martignas le 10 janvier 1711
et enseveli dans l’église paroissiale ) et de Peyronne alias Pétronille
LAGURGUE, il se déclare praticien, dont le dictionnaire de Trévoux nous dit
qu’il s’agit d’ « un homme expert ès
procédure et instructions des procès, qui fréquente les cours et les sièges des
juges, qui entend le style et l’ordre judiciaire, qui sait les usages, les
formes prescrites par les ordonnances et règlements, et qui est capable de
toutes sortes d’actes, sommations, libellés et écritures. »
Fils du greffier de Cahors, il a probablement travaillé aux côtés de son père et passé quelques degrés à l'Université de la ville
Martignas comptait déjà un praticien et probablement
Jean ne parvint-il pas à « faire son trou » dans ce village de 300
âmes car, dès 1721, cité comme témoin à un mariage, il décline sa qualité d’
« hoste », c’est à dire une
« Personne qui tient une auberge : maison généralement située à la campagne
et où l'on peut manger, boire et coucher en payant ; équivalent de
l'hôtel-restaurant. C'est aussi, en général, le relais de la diligence ».
Les neuf enfants de Jean sont tous nés à
Martignas, arrêtons-nous sur la bizarrerie des déclarations de naissance :
1 Pétronille, ° 22 février 1721 (mère
Pétronille RAYMOND)
2 Etienne décédé à huit ans, environ,
le 12-06-1734 (mère Pétronille LAGURGUE)
3
Pierre, qui suit, ( plus connu sous le nom de Pierre Antoine ), ° 28 -07-1726 (mère
Pétronille RAYMOND)
4 Pierre, °14-08-1729, + 25-12-1732
(mère Pétronille LAGURGUE)
5 Marguerite, ° 29-05-1732, +07-08-1736
(mère Pétronille LAGURGUE)
6 Pierre, ° 15-07-1735, +
28-10-1750 (mère Pétronille LAGURGUE)
7 Marie, ° 23-02-1738 (mère Marguerite
LAGURGUE)
8 Marie, ° 29-04-1742 (mère Pétronille
RAMON). Elle habitera avec Pierre-Antoine et participera à l’éducation des
enfants. Elle vivait encore chez son frère en 1785.
9 Antoine, ° 9-08-1747 (mère l
LAGURGUE).
Hypothèse 1 : le bon curé LARAT donnait à Pétronille,
au gré de sa fantaisie ou suite à l’abus du breuvage local, indifféremment son
patronyme paternel ou maternel. Sur l’acte de décès de Jean, en date du 31
octobre 1752, le même curé ira même jusqu’à affubler Pétronille du nom de
HALIBURD…. !
Hypothèse 2 : il y avait 2 Jean DUBRUEL comme peuvent le laisser supposer les 2 signatures, complètement différentes dont l'une est identique à celle de l'acte de mariage. Cette dernière un peu alambiquée a l'allure de celle d'un homme de loi
Le contrat de mariage de Pierre-Antoine et
Antoinette HUGON daté du 14 novembre 1752, mentionne feu son père Jean comme
ayant été « chirurgien juré » tout comme un article paru dans « Pyrénées
dans une Aquitaine terre d’accueil, terre d’exil », qui le dit Maître
en chirurgie de St Médard en Jalles, quoique non inscrit sur les registres
bordelais. Ces affirmations s’avèrent historiquement contestables car, même
absent des registres de la profession sur toute la période 1719 – 1752, Jean
devrait être mentionné dans ceux de la Jurade qui recueillait les prestations
de serment, or il ne l’est pas, tout comme il ne l'est pas dans les listes des inscrits ou des diplômés de l'Université de Montpellier. Nous sommes dans le flou le plus total et comme le dit notre chère Martine AUBRY:"quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup"!
A noter que les apprentis chirurgiens ne fréquentèrent les facultés qu'un peu avant le milieu du XVIIIème siècle lorsque pour être reçu Maître, il fallait y avoir passé une Maîtrise ès Arts (1731). L'enseignement théorique universitaire ne devint, quant à lui, obligatoire qu'en 1748.
Enfin, de son vivant, Jean ne s’est jamais
déclaré chirurgien.
Probablement cela faisait-il plus
« chic » de se dire fils de chirurgien que fils d’aubergiste … allez
savoir.
En juillet 1755, Pétronille vend une petite
vigne,
« Aujourd’hui, onzième du mois de juillet
mille sept cent cinquante-cinq, après midy, par devant le notaire royal
soussigné et les témoins bas nommés, a été présente Pétronille RAMOND, veuve de
feu Sr Jean DUBRUEL, habitante de la paroisse de Martignas, laquelle de sa
bonne volonté a fait vente par ces présentes, purement, simplement et à jamais
à Pierre FRONTON, brassier, aussi habitant du dit Martignas, présent et
acceptants. Savoir de cinq prises de belle
vigne abrai ( ?) situées en la paroisse de Martignas et dans le
bourg d’icelle qui confronte du levant à la vigne de Jean SEMEDAZT, ruelle
mitoyenne entre deux, du couchant à la vigne de Jean DUBOURG, aussi ruelle
mitoyenne entre deux, du midi aux pré et bois de Raymond EYQUEM, un petit
ruisseau entre deux et du nord à la terre labourable de Jean FRONTON, père de
l’acquéreur, sauf le tout mieux et plus à limiter, confronter et désigner.
Se disant est ensemble vendu par la venderesse au
dit acquéreur, tous autres droits, titres, raisons, actions, possessions et
demandes qu’elle ait, peut avoir sur et en les cinq prises de vigne, les lui
garantir et défendre de tous troubles, dettes, hypothèques, procès, différents,
quittes et déchargées de tous cens, rentes et lods, ventes, arrérages
d’icelles, droits seigneuriaux et autres charges quelconques du passé jusqu’à
ce jour. En payant, à l’avenir, par le dit acquéreur la rente annuelle que les
dites cinq prises de vigne se trouveront chargées envers M. DEPIHELLIN, Sr de
la terre et commanderie de Martignas de qui les cinq prises de vigne
relèveront ; et pour les exécutions des présentes, les parties ont obligé
tous leurs biens. Promis et juré, fait et passé en la dite paroisse de
Martignas, maison de la dite venderesse, en présence de Maître Fronton
THEVENARD, praticien de St Médard-en-Jalles et de Louis CHARLOT, laboureur,
habitant du dit Martignas. Requis les parties et CHARLOT, témoin, ont déclaré
ne savoir signer de ce interpellés. »
Une semaine plus tard, elle décide de convoler en
juste noce avec un maître maçon local. Le contrat de mariage est, également,
passé devant Maître THEVENARD, notaire à St Médard-en-Jalles :
« au nom de dieu soit, qu’aujourd’hui
seizième du mois de juillet mille sept cent cinquante-cinq, après-midi, devant
le notaire royal soussigné et témoins bas nommés ont été présents Jean DANIAUD,
natif de St Pierre du diocèse de Saintes, à présent habitant de la paroisse de
Martignas, fils naturel et légitime de feus Jean DANIAUT et Jeanne TEXIER ses
père et mère d’une part et
Pétronille RAMOND, veuve de Jean DUBRUEL,
habitante de Martignas, fille naturelle et légitime de feus Gilhem RAMOND et
Pétronille LAGURGUE, ses père et mère d’autre part. Entre lesquelles parties de
leur bon gré et volonté, faisant de leur conseil et consentement le futur époux
devant ses parents et amis et la future épouse aussi, devant ses parents et
amis ci tous présents, consentants et personnellement établis, ont fait et
passé les pactes, articles et convention de mariage de la manière
suivante : premièrement se sont promis de se prendre l’un l’autre pour
mari et femme, épous et entre deux de célébrer le saint sacrement du mariage en
face de notre mère sainte église catholique, apostolique et romaine lorsque
l’une d’icelle en sera requise par l’autre ou par leurs parents et amis à peine
de tous dépends et dommages. En faveur et contemplation du dit mariage et pour
aider à supporter les charges d’iceluy, le futur époux a pris et prend la dite
future épouse avec tous ses biens, droits, noms, raisons, actions paternels,
maternels et autres, présents et à venir quels qu’ils soient et en quelque lieu
qu’ils puissent être ; desquels droits le dit futur époux en jouira et en
fera les fruits siens soudain après les noces, le tout suivant et conformément
aux droit et coutumes de Bordeaux reçus par iceluy futur époux, il a promis
comme sera tenu reconnaître, assigner, affecter et apporter à la dite future
épouse comme il les lui reconnaît, assigne, affecte et hypothèque par les
présentes sur tous et un chacun ses biens meubles et immeubles présents et à
venir.
Et attendu l’amour conjugal que la dite future
épouse a pour le dit futur époux, de son bon gré et volonté, icelle future
épouse fait don et donation au futur époux de la jouissance de tous un chacun
de ses biens meubles et immeubles qu’elle aura lors et au temps de son décès
pour en jouir par le dit futur époux et ce pendant sa vie et si au cas le dit
futur époux venait à se remarier, audit cas la dite donation de jouissance
restera nulle et sans effet.
Se sont les dits futurs époux avouer comme ils
s’avouent, moitié par moitié, les biens acquets que dieu leur fera la grâce de
faire pendant leur mariage, lesquels acquets appartiendront aux enfants d’eux descendants avec faculté d’en avantager
un ou plusieurs de ces enfants de telle portion qu’ils trouveront à propos..
Et, s’il n’y a d’enfant, chacun disposera de sa dite moitié comme bon lui
semblera, la jouissance du total réservé au survivant, enfants ou non. Gagnera
le survivant, sur le total du premier décédé, la somme de quinze livres, de
laquelle somme ils se font don et donation pour noces l’un à l’autre, déclarant
les parties que la totalité de leurs droits est de la valeur de
quatre-vingt-dix livres et pour l’exécution des présente les parties ont obligé
tous leurs biens soumis à justice, renoncé, promis et juré.
Fait et passé en ladite paroisse de Martignas, au
domicile de la dite future épouse en présence de Pierre EYQUEM, meunier et
Sieur Antoine SAUVANELLE, maître chirurgien, habitants de Martignas, témoins
requis qui ont signé et non les époux pour ne savoir. »
En septembre de la même année, elle vend un
journal (environ 34 ares) de terre labourable.
« Par-devant les Conseillers du Roy, notaires
à Bordeaux, soussignés fut présente Peyronne RAMOND, veuve de Jean DUBREIL,
régent, habitante de la paroisse de Martignas, étant
maintenant en cette ville.
Laquelle a par ces présentes fait vente pure et
simple, dès maintenant et pour toujours, promettant garantir de tous troubles,
dettes, hypothèques et évictions quelconques et de faire jouir paisiblement, à
François CHARLOT, brassier, habitant de la paroisse de Martignas et ce présent
et acceptant acquérir pour lui, les siens et ayant cause, c’est à savoir un journal
de terre labourable situé dans la dite paroisse, lieu appelé au Puch, à la dite
RAMOND appartenant du chef de Guillaume RAMOND, son père, confrontant du levant
à la terre de Jean DUBOURG, du couchant à celle des héritiers du nommé GASPARD,
du midi à la carreyre commune, fossés entre deux et du nord au bois taillis de
la veuve de Jean CAZAUX ; sauf le dit journal de terre labourable mieux
limité, désigné et confronté si besoin est, duquel avec ses entrées, passages,
servitudes, titres, possessions et tous autres droits, noms, raisons et actions
que la dite RAMOND a et peut avoir le concernant, elle s’est démise, dévêtue
et dessaisie en faveur du dit CHARLOT et
mis en possession avec consentement qu’il en prenne la réelle quand bon lui
semblera, en jouisse et en dispose comme de choses lui appartenant à juste
titre; a commencé la jouissance de ce jour et lui transportant tous droits de
propriété et usufruit.
Déclarant la dite RAMOND que le dit journal de
terre vendu est mouvant en censive et directité du fief de Monsieur le
Commandeur du Temple, auquel l’acquéreur sera tenu de payer les lods et vente
de la présente acquisition et d’acquitter pour l’avenir la quotité de rente
dont le fond vendu se trouvera chargé.
Cette vente ainsi faite moyennant le prix de
soixante livres laquelle, le dit CHARLOT, acquéreur, a payé et réellement
délivré à la dite RAMOND en dix écus de six livres pièces du cours, qu’elle a
comptés et reçus à la vue des dits notaires. S’en contente, en tient quitte le
dit CHARLOT par le prix du dit journal de terre vendu et promet, l’en faire
tenir quitte envers et contre tous à peine de tous dépens, dommages et
intérêts.
Et aux fins de l’entière exécution des présentes
et le garantie de la dite vente, la dite RAMOND, venderesse, oblige, affecte et
hypothèque envers le dit CHARLOT, acquéreur, tous ses biens meubles et
immeubles, présents et à venir qu’elle a soumis à justice. Fait et passé à
Bordeaux, en l’étude de PERRENS, l’un des dits notaires, l’an mille sept cent
cinquante-cinq, le vingt neuvième du mois de septembre avant midy. Les dites
parties ont déclaré ne savoir signer de ce faire interpeller par nous. »
Indication
intéressante : Jean est évoqué, dans ce dernier acte comme
« régent », c’est à dire comme maître d’école, probablement un second
métier car l’acte du remariage de Pétronille nous apporte une nouvelle certitude
quant à la profession principale de notre défunt ancêtre.
« L'an
mil sept cens cinquante-cinq le neufs novembre, je soussigné Pierre LARRAT curé
de la paroisse de Notre-Dame de Martignas, après la célébration des fiançailles
faite en cette paroisse entre Jean DENIEAUT maître mason majeur et maître de
ses droits, fils naturel et légitime de fus Jean DANIAUD et de Jeanne TESSIER d'une part, et de Pétronille RAMON veuve de
fu Jean du BRUEL hote, et après avoir publié les trois bans de leur futur
mariage, pendant trois dimenches ou festes consécutives sans qu'il y ait eu
aucun empêchement civil ou canonique,et leur ay donné la bénédiction nuptiale,
du consentement de leurs proches parens et amis selon la forme accoutumée par
notre Mère Sainte Église et le droit canon; et ces ( ?) sont disposéz par
le sacrement de l'eucharistie et de la pénitence, en présence du sieur Antoine
FAUVETRELLE maître chirurgien et de Guilhem LAGURGUE laboureur qui n'ont signé
pour ne savoir et tous habitans de la susdite parroisse »
Pétronille décédera à Martignas : « l’an
mille sept cent soixante-dix-huit, et le sixième mars a été enterrée Pétronille
RAMOND, veuve de Jean DUBRUEL, chirurgien, et femme de Jean DAGNEAU, morte la
veille, âgée d’environ soixante-quinze ans, après avoir reçu les sacrements. En
foi de quoi BOUSIGNY, curé de Martignas et les témoins bas signés SEMEDARD,
AUGEY. »
Nous savons que l’acte de donation consenti, en
1785, par Pierre-Antoine à sa sœur Marie,
établit le produit de la
liquidation des biens mobiliers et immobiliers de Jean et Pétronille à 1.000
livres ce qui, à l’inverse des Dubruel restés
à Prayssac et environs, n’en faisait pas les « gros bourgeois du
coin », même si 1.000 livres de capital en reflètent une situation
d’honorables bourgeois de bourgade.
J’ai bien peur que l’on ne puisse en apprendre beaucoup
plus sur Jean, les registres de Maître Fronton Thevenard, détenus aux archives de la
Gironde, ne débutant qu’en 1766.