dimanche 20 février 2022

 Les DUBRUEL, une vie avant Bordeaux

Ricky nous a fait parvenir, il y a peu, la généalogie des DUBRUEL sur laquelle il n'y a rien à dire sauf, et je l'en ai averti, sur les 3 premiers de la famille et encore, tout simplement parce que le temps a fait son oeuvre, qu'internet enrichit, que les cercles de généalogistes publient et que Gallica met à disposition de plus en plus d'ouvrages.

Pierre DUBRUEL, de Cajarc a eu la vie dure et tout le monde y a cru, moi le premier, mais il n'en est rien. Le père de George est Maître François DELBRUELH/DUBRUELH/DUBRUEL, notaire de Prayssac dont tous les enfants furent baptisés dans le bourg.

Margueritte le 7 septembre 1595, Mathurin, le 23 mars 1597, Jehanne, le 10 avril 1600, Anthoine, le 18 juillet 1602, Marie, le 22 février 1604 et Georges, notre ancêtre le 2 août 1606.

François devait avoir de belles origines car, fils d'Etienne, lui aussi notaire, il épousa Suzanne de ROSSANGES d'une famille de notaires de Marminiac qui nouaient de riches et belles alliances : Jean, frère de Suzanne avait épousé, vers 1593, Marguerite de VIEILCASTEL, d'une famille d'extraction chevaleresque et un Jean de ROSSANGES était qualifié de Noble lors de son mariage avec une demoiselle de VERVAIS en 1559.

De belles origines, mais aussi un rang social élevé. Figurent, en effet, au nombre des parrains et marraines des enfants de François noble Charles de MARIN, noble Marie de BARAS, noble George DUTILHET, seigneur del Toron, Mauroux, noble Marie de SUDRIE, un LANDIE, notaire de Cuzorn , un ROSSANGES, juge de Cazals....

Quant aux enfants de Georges : le parrain de Suzanne, née en 1632 fut son grand-père Pierre de SOULAC, procureur à Agen, celui de Pierre, né en 1644, se nommait Pierre LEZERET, d'une famille notable de Cahors qui avait donné à cette ville Guillaume, Receveur et Payeur des gages de MM de la Cour Présidiale et dont l'un des consuls était, cette année là, Antoine, frère de Pierre. Peu après les LEZERET accèderont à la noblesse et deviendront les LEZERET de LAMAURINIE. 

La marraine, Jeanne de GAUBAN est dite Demoiselle, ce qui est une qualification nobiliaire. De fait, cette famille, venue du POITOU, au milieu du XVIème tenait le bail à fief de Gauban, dans la paroisse de Montignac et en avait pris le nom. Jeanne était l'épouse de Jean SOLAC, procureur à Agen (paroisse St Etienne), frère de Suzanne SOLAC ( SOULAT) épouse de Georges.

Un procès de 1610 mentionne SOLAC vieux et SOLAC jeune, tous deux procureurs. Jean et Pierre étant nés vers 1610, il s'agit de leur père et grand-père, nés respectivement vers 1580 et 1540.

Jean ou Pierre ou et Pierre furent consul d'Agen en 1633, 1642 et 1644. 

Voilà pour les SOLAC/SOULAT, donc, là aussi une lignée de notables qui quittera Agen pour La Réole.    

Vous remarquerez, que sous l'ancien régime, les nobles faisaient figurer leur qualificatif dans tous les actes notariés ou sur les registres paroissiaux or, aucun de nos ancêtres directs DUBRUELH /DELBRUELH ou DUBRUEL n'est qualifié de noble même si, clairement, ils gravitent dans cet univers. Alors qui pouvaient-ils bien être ?

Guillaume DUBRUEL, fils de Jean et cousin germain de Papapa, avait mené des recherches sur la famille et rédigé un opuscule fort intéressant. Il avait découvert plusieurs chevaliers DUBRUEL, DUBRUELH, de BROHLIO vivant aux 13ème et 14ème siècles dans le Grand Sud-Ouest, mais sans pouvoir établir de relation avec nos ancêtres de Prayssac. Il en conclut que, vraisemblablement, nous n'étions "que"  des notables locaux. Certes, mais un "que" pas mal du tout ! Nous avions échangé sur le sujet et bien ri lorsque je lui avais raconté qu'en 1971, sur la route de Pau et Bayonne, où nous allions rendre visite à Titou et Tati-Nénée, Florence et moi avions fait une halte à Prayssac où l'adjoint de Madame Maurice Faure nous accueillit par un retentissant :" Ah! mais vous étiez les gros bourgeois du coin !!" 

J'ai trouvé, de mon côté, mention d'un Huc DELBRUELH, venu d'on ne sait où qui se fit recevoir comme bourgeois de Cahors en 1298. Qualifié de Me, il avait un cursus universitaire qui lui permit, peut-être de se fixer comme notaire, le roi de France autorisant, 4 ans plus tard, la création de cette charge, jusqu'alors monopole du Châtelet de Paris, sur l'ensemble des terres de son royaume

La mise en ligne des archives du parlement de Toulouse, ainsi que celle de nombreux ouvrages et archives relatifs au Quercy permet d'aboutir à la conclusion que ni George, ni Arnaud n'ont tenu la charge de juge-mage de cette sénéchaussée. Pour la période qui nous intéresse, les juges mages successifs furent les PEYRUSSE : Louis, son fils, Antoine qui démissionna de sa chaire de droit de l'Université de Cahors pour succéder à son père en 1576, Louis, qui succéda à son père décédé entre 1604 et 1614 et vendit l'office de juge mage à Guillaume de REGOURD, Ambroise de REGOURD. fils du précédent qui tint la charge jusqu'à son décès survenu en 1654, Jean Ambroise de REGOURD de VAXIS qui succéda à son père  et vendit l'office à Jean de POUSARGUES que nous retrouverons plus loin.

Il ne faut pas s'étonner que ces offices se transmettaient de père en fils, qu'il s'agisse de ceux de notaires, de juge mage, ou autre. C'était chose possible depuis l'invention "blingbling" de Charles PAULET, Secrétaire d'un Henri IV, toujours en quête de fonds pour faire face à ses irréductibles ennemis  Espagnols et Savoyards.

Le dit PAULET chantonna une douce musiquette aux oreilles toujours attentives de son souverain : "sire, mon beau sire, pourquoi ne pas taxer tous ces bourgeois avides d'acheter tous ces offices pour leur offrir la possibilité de les rendre héréditaires. Que diriez-vous d'une contribution annuelle du 1/60ème de leur valeur ? Le roi calculait vite, la "Paulette" naquit en 1604 et la Couronne fêtera longtemps le "bonne fête Paulette", car elle ne s'éteindra qu'avec la tourmente révolutionnaire. 

Les parlements et pouvoir royal vérifiaient, avant enregistrement, les bonnes moeurs, la non dérogeance, la quittance des sommes dues et  les conditions d'âge: bref il fallait le roi des sots pour ne pas succéder à papa.

Voici pourquoi, il n'y avait pas de "promotions" à l'ancienneté ou au mérite possibles !

 pour évoluer, il fallait trouver un vendeur d'un office plus important ou s'assurer le bon gré du souverain pour en obtenir un.

Qui plus est, les rois eurent l'idée de faire de certains offices des tobogans vers la noblesse, souvent à la troisième génération, ce que les nobles d'extraction raillaient comme "la savonnette à vilain".  

Pourquoi vendre, l'hérédité devenait la règle.

Voici pourquoi les PEYRUSSES succédèrent aux PEYRUSSES, les REGOURD aux REGOURD et, à Prayssac, les DUBRUEL aux DUBRUEL.

George, qui ne fut donc jamais juge mage, fut notaire comme stipulé dans son acte de mariage du 5 novembre 1630 avec Françoise de SOULAT ou SOULAC, fille de Me Pierre SOULAT, procureur (avoué) au siège d'Agen. Il le resta jusqu'à sa mort survenue après 1648 puisque son épouse, décédée à Prayssac le 23 septembre de cette année et enterrée dans l'église, est dite "épouse quand vivait de Me George DUBRUEL, notaire".

Le notaire de l'époque est itinérant, il rédige les actes à domicile et les signatures ne se font pas sous les dorures, mais chez l'habitant. Il connaît tout le monde, est fatalement au courant des bonnes affaires et le premier à intervenir ou à faire intervenir l'un des siens pour doter confortablement ses filles et donner ses fils en mariage à quelques héritières de riches laboureurs ou de damoiselles n'ayant point le rang d'aînée et dont le blason se trouvait quelque peu terni. 

Quand à Arnaud, il fut le greffier de la juridiction de Cahors comme l'atteste sa signature, suivie de sa fonction, qui apparaît à côté de celle du juge mage POUSARGUES sur la page du registre paroissial de Prayssac validant l'année 1671 ou à Pescadoires en 1675

George était notaire et fit un mariage honorable ; son frère aîné, Antoine,  reçut, en 1626, des lettres de provisions de notaire royal et changeait de cour. Son épouse,  Antoinette LACOMBE, nom francisé des CUMBETI, appartenait à une puissante et ancienne famille de notables de Gourdon ( Bernard CUMBETI est cité comme notaire en 1503 ) alliée elle aussi aux ROSSANGES. Leur fils Jean, juge royal de Prayssac et un temps de Castelfranc ( n'oublions pas que tout s'achète..) épousa Isabeau de LABONDIE de LAGIBERTIE et leur petit-fils, Gaspard - juge royal par la Paulette-, Catherine DUROC, soeur de Jean DUROC de MAUROUX, baron d'Orgueil, seigneur haut et bas justicier de Mauroux, Cabanac... On joue dans la cour des grands.

La maison prise en photo par Bernard DUBRUEL est celle construite puis agrandie par cette branche et dont le dernier habitant "fixe" fut Blaise DUBRUEL, fils d Gaspard, avocat, subdélégué de l'Intendant de Montauban membre du Corps Législatif sous l'Empire, chevalier de la Légion d'Honneur... son fils Gaspard, Receveur Particulier des Finances, dédaigna Prayssac pour Villeneuve-sur-Lot où il résidait dans son Hôtel Mothes de Blanche, acheté en 1816, ou dans son manoir de Catus à Penne d'Agenais.   

Nous noterons que DUBRUEL de BROGLIO n'apparaît jamais  à Prayssac dans quelque branche de la famille que ce soit. Il ne fera son apparition que vers 1765, avec Jean François Hilaire, docteur en Médecine de l'Université de Montpellier et cousin germain de Pierre Antoine et à peu près à la même époque avec ce dernier.

--- Jean François Hilaire, tout d'abord : Docteur en Médecine de l'Université de Montpellier et cousin germain de Pierre Antoine, il exerça à Prayssac sous le nom de DUBRUEL, nom de baptème de tous les enfants qu'il eut de sa première femme, Marie Anne BONNEFOUS : Jean- Guillaume (14/7/1741), autre Jean- Guillaume (23/9/1742), Françoise (13/10/1743) et Antoine (14/4/1746), dont nous serons amenés à reparler.

Veuf, il épouse en secondes noces, le 18/1/1759 à Tournon d'Agenais, Anne MONTFORTON, fille d'un avocat au Parlement. Sont baptisés dans la paroisse : Blaise le 5/4/1760, Thérèse le 20/2/1763 et voici l'an 1765 et ses bizarreries. Cette année-là, le 2 septembre, sont baptisés les jumeaux de Jean François Hilaire : Antoine Michel et Bonaventure Caprais ... mais qu'est-ce que c'est que ça que c'est ... les jumeaux sont baptisés sous le nom de DUBRUEL, mais sont dits fils de Jean François Hilaire DUBRUEL de BROGLIO, lequel, signe royalement et magnifiquement DUBRUEL ... explication : Antoine, dont nous devions reparler est parrain de l'un des jumeaux et comme il a été aidé dans sa carrière de chirurgien de marine par Pierre Antoine, il a adopté le "de Broglio" que son oncle venait lui aussi d'adopter. 

 Antoine DUBRUEL dit de BROGLIO, épousera Anne AGUYE, la fille d'une sommité locale et se fixera à Tournon. Son père qui persiste à signer DUBRUEL, ne pourra faire autrement que de porter la particule. Pour preuve, le baptê

me de Blaise Alexis DUBRUEL, le 4/3/1768,  fils de J-F-Hilaire DUBRUEL de BROGLIO qui signe encore et toujours DUBRUEL... 

le 2/8/1783, c'est le baptême de Blaise DUBRUEL de BROGLIO, fils de Sieur Antoine DUBRUEL ...

1789 voit la création de 2 régiments de la Garde Nationale à Tournon. Figure parmi les officiers 2 DUBRUEL de BROGLIO , dont l'aîné (Antoine) est l'un des Capitaines commandants de compagnie. La discipline militaire étant rigide, la compagnie sera, néanmoins, enrôlée sous le vrai nom de son capitaine : DUBRUEL

31/1/1820 naissance d'Antoine Hilaire DUBRUEL, fils de Blaise Hyppolite DUBRUEL avec en marge de l'acte la mention de la reconnaissance du nom de DUBRUEL de BROGLIO. Celle-ci fut obtenue devant le tribunal de Villeneuve-sur-Lot le 12/12/1900 par Antoine Hilaire, il avait 80 ans, n'avait pas héritier et, malade, devait décéder 3 ans plus tard ... peut-être une décision prise pour faire plaisir à ce vieil homme richissime, connu pour ses largesses dans la région.et dont l'épouse, riche héritière de la famille SORBE alias SORBET, des agenais devenus armateurs à Bordeaux, s'était engagée à poursuivre l'oeuvre de son mari, ce qu'elle fit en vendant ses propriétés de Tournon d'Agenais.
et en devenant l'une des plus importantes donatrices de France en 1908
 Peut-être, aussi et surtout, parce que Blaise, père d'Antoine Hilaire, avait été baptisé sous le nom de DUBRUEL de BROGLIO. Voici donc comment les DUBRUEL de Tournon d'Agenais devinrent officiellement DUBRUEL de BROGLIO.
Du côté de Pierre Antoine, les choses sont moins évidentes. Avant 1765, les documents ne le mentionne que sous le nom de DUBRUEL. Le 14 juillet 1765, on enterre dans l'église St Projet de Bordeaux, Félix Antoine DUBRUEL de BROGLIO, baptisé en janvier 1762 sous le nom de DUBRUEL. Celle même année, Pierre Antoine apparaît sous le nom de DUBRUEL DEBROGLIE dans l'acte notarié d'acquisition de la terre de Fargues. Le 17 juillet, c'est Pierre Antoine DUBRUEL de BROGLIE qui demande à être exonéré de taille pour cette même terre puis, achète une terre à Bouliac en juin 1770. Le de BROGLIO semble se stabiliser de 1772 à 1785, malgré un de BROGLI ( 1/6/1776) ou un DUBRUEL tout court ( 21/2/1782). Pendant cette période, tous les actes notariés sont signés DUBRUEL.
Etant loin du de BROGLIO "ne varietur" pré et post révolutionnaire du cousin Antoine et aucun enfant de Pierre Antoine n'ayant été baptisé sous le nom de DUBRUEL de BROGLIO; il était donc présomptueux d'aller porter requête devant le Conseil d'Etat.
Sous l'ancien régime, j'ai trouvé des DUBRUEL de Cazideroque, d'Espanel ou encore de Costeregord et même un Guyon DUBRUEL de Guibal, radié de la noblesse pour félonie dans les années 1650. Il n'avait pas pris les armes contre son souverain, mais contraint son fils à rentrer dans les ordres pour ne pas perdre la précieuse prébende de chanoine de Moissac ( c'est beaucoup moins chic !). Il fit machine arrière et fut rétabli dans son rang et ses droits. Il y a, bien évidemment, les DUBRUELH de Sérignac, marquis de Ferrières, dont Sylvestre, gouverneur de Bellegarde au Perthus, qui se laissait aller, parfois, à signer DUBRUEL  A Villefranche de Rouergue, il y avait même une famille DUBRUEL (tout court) dont un  Charles Jean Joseph , lieutenant général civil et criminel et juge mage qui présida l'Assemblée de la Noblesse de 1788 chargée de désigner ses représentants aux Etats Généraux de Versailles. Ces DUBRUEL portaient , depuis 1675, "de gueules, au chevron d'or, accompagné en chef de 2 rocs d'échiquier d'e même et en pointe d'une quintefeuille d'argent" ... 
Tiens ! tiens ! Mais nous y reviendrons dans une autre historiette : "la saga du blason".

NB : Dans son écrit, Ricky fait suivre aussi le nom de NUNEZ de SARAVIA, envoyé du roi de Portugal de 3 ???. 
L'historiette " de la diaspora à l'establishment bordelais", mise à jour à partir de nouvelles archives, répond à ces ??? et précise le rôle joué par Enrique Nunez Saravia devenu Henri SARAVIE et Ricky est tout près de la vérité . 



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